lundi 17 mars 2014

Les priorités des partis régionalistes en 2009 à Bruxelles


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL

Grégory Piet (@grgpiet)
Politologue à Université de Liège



Les partis politiques sont souvent classés en « familles politiques », principalement sur base de leurs idéologies. En Belgique, nous retrouvons ainsi des partis qui appartiennent à la famille politique socialiste, libérale, démocrate-chrétienne, écologiste, populiste, d’extrême-droite, etc. Il en va de même en ce qui concerne la famille des partis dits « régionalistes ». Cette famille politique rassemble les partis qui défendent les intérêts d’une région particulière (une région étant définie comme une entité géographique et politique au niveau sub-national). A côté de ce point commun, chaque parti régionaliste possède sa propre conception de la manière dont les intérêts de sa région peuvent être défendus au mieux ; que cela entraîne une plus grande autonomie politique ou un retour à un Etat plus unitaire. Les idéologies de ces partis régionalistes peuvent ainsi aller de l’indépendance au rattachisme en passant par la défense linguistique et culturelle, la mise en place d’un modèle étatique (con-)fédéral ou (re-)centralisé. 

Les partis régionalistes sont loin d’être une spécificité belge. A l’exception de petits Etats comme le Luxembourg ou Malte, chaque pays d’Europe occidentale a connu au cours de son histoire politique la présence d’un parti régionaliste. Citons, par exemple, les partis régionalistes bavarois en Allemagne, slovènes en Autriche, catalans ou basques en Espagne, suédois en Finlande, corses ou bretons en France, valdotains ou sud-tyroliens en Italie, frisons au Pays-Bas, écossais ou gallois au Royaume-Uni, tessinois ou jurassiens en Suisse, etc. 

Selon cette définition, pas moins de six partis politiques lors des élections régionales de 2009 à Bruxelles peuvent être considérés comme régionalistes. Il s’agit de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA – indépendantiste), du Sociaal-Liberale Partij (SLP – confédéraliste), de Belgische Unie - Union belge (BUB – unitariste), de Pro Bruxsel (autonomiste), Rassemblement Wallonie France - Rassemblement Bruxelles France (RWF-RBF – rattachiste) et UNIE (autonomiste). Malgré ses revendications indépendantistes, le Vlaams Belang est considéré en science politique comme appartenant à la famille politique d’extrême-droite et non pas à la famille régionaliste. 

Lors des élections régionales, ces six partis régionalistes (la même structure politique, Pro Bruxsel, s’étant présentée dans les deux groupes linguistiques) ont obtenu un succès relativement modeste : un seul siège (celui de la N-VA) et respectivement 8,94% et 2,11% des voix dans les deux groupes linguistiques néerlandais et français. Au vu des récents sondages pronostiquant de bons scores électoraux pour la N-VA et le FDF – qui se présente seul aux élections régionales bruxelloises pour la première fois depuis 1989 –, les résultats des partis régionalistes lors des élections de 2014 seront, à n’en pas douter, plus élevés. 


Elections 2009 : Groupe linguistique néerlandais


Votes
Pourcents
Sièges
N-VA
2.586
4,99
1
SLP
361
0,70
0
Pro Bruxsel (N)
1.225
2,36
0
BUB
462
0,89
0
Total
4.634
8,94
1




Elections 2009 : Groupe linguistique français


Votes
Pourcents
Sièges
Pro Bruxsel (F)
6.840
1,67
0
RWF-RBF
1.321
0,32
0
UNIE
491
0,12
0
Total
8.652
2,11
0


Les thématiques mises en avant dans les programmes 

Dans ce troisième billet sur les programmes électoraux, nous analyserons les enjeux mis en avant par les partis politiques régionalistes dans leurs programmes au cours de la campagne pour les élections régionales bruxelloises de 2009. Ces enjeux de la campagne de 2009 seront identifiés grâce à une méthode d’analyse de texte basée sur des mots-clés (voir Note méthodologique). Ces thématiques sont regroupées en huit grands enjeux de la campagne régionale bruxelloise tels que répertoriés par Jean-Paul Nassaux (CRISP, 2014) et auxquels nous ajouterons les questions relatives aux institutions et à l’administration (incluant les questions communautaires). Nous analyserons les programmes bruxellois de la N-VA, de BUB, de Pro Bruxsel, du RWF-RBF et de UNIE. Le SLP n’a pas rédigé de programme spécifique pour la région bruxelloise. A l’inverse, le FDF – alors partie intégrante du MR – a rédigé un programme pour la région bruxelloise. Dans la perspective d’une comparaison des programmes de 2009 avec ceux de 2014, nous avons intégré le programme bruxellois du FDF à notre analyse. 

Le contenu des programmes électoraux des partis régionalistes est dominé par trois enjeux politiques principaux parmi les huit : le logement et la politique locale, la mobilité et l’enseignement. Le logement et la politique locale sont la priorité de Pro Bruxsel (12%), devant la mobilité (10,67%) et l’enseignement (6,09%). Au FDF, le tiercé est inversé puisque le parti accorde plus d’importance au logement et à la politique locale (9,63%) suivi de l’enseignement (7,34%) et de la mobilité (6,42%). Quant à la N-VA, elle met d’abord l’accent sur l’enseignement (9,05%), suivi de la mobilité (7,97%) et du logement et la politique locale (6,26%). Parmi les autres thématiques mises en avant par ces partis, nous retrouvons l’emploi (surtout dans les programmes du FDF et de la N-VA), la sécurité (dans les programmes de Pro Bruxsel et de la N-VA) et les finances et l’économie (dans les programmes de Pro Bruxsel et du FDF). L’immigration n’est mise en avant que dans le programme de la N-VA (3,03%). 

Le programme du RWF-RBF est trop court pour pouvoir en dégager des résultats valables au niveau statistique – en témoignent le grand nombre de catégories thématiques laissées sans attention politique –, mis à part l’importance de la position internationale de Bruxelles (22,22%), étant donné l’idéologie rattachiste du parti. Les programmes de UNIE et de BUB sont également très courts, mais on peut en dégager l’importance de l’enseignement pour ces deux partis, et également de la position internationale de Bruxelles dans le document de BUB. 

En ce qui concerne les références faites aux questions institutionnelles et liées l’administration, c’est sans surprise la thématique qui occupe le plus d’espace dans les programmes électoraux des partis régionalistes. Parmi les autres thématiques mises en avant par ces partis, signalons l’importance de la culture et des loisirs dans le programme de Pro Bruxsel (8,67%), des affaires sociales dans ceux du FDF (8,26%) et de la N-VA (6,03%) et de la santé dans celui de la N-VA (5,17%). Les thématiques restantes (telles que environnement, droits et libertés, agriculture, énergie, entreprises et commerce, aménagement du territoire, etc.) ne dépassent les 3% d’attention dans aucun de ces programmes électoraux. Néanmoins, avec l’importance croissante qu’ont des partis tels que la N-VA ou le FDF dans la campagne électorale bruxelloise, il est à parier que les priorités de ces partis dans leurs programmes bruxellois pour 2014 seront sensiblement différentes qu’ils ne l’étaient en 2009. 

Tableau. Priorités programmatiques des partis régionalistes en 2009 (en %) 



FDF
RWF-RBF
Pro Bruxsel
UNIE
N-VA
BUB
Emploi
4,13
1,39
2,53
4,72
3,23
3,76
Logement et politique locale
9,63
2,78
12,00
5,56
6,25
5,26
Mobilité
6,42
0,00
10,67
4,72
7,97
2,26
Sécurité
1,83
0,00
4,00
1,89
2,59
6,02
Bruxelles international
5,73
22,22
3,33
4,72
2,59
16,54
Immigration
0,23
0,00
0,00
0,94
3,02
3,01
Finances et économie
6,42
5,56
4,00
6,60
1,29
3,01
Enseignement
7,34
0,00
6,09
9,43
9,05
10,53
Sub-Total
41,73
31,95
42,62
38,58
35,99
50,39







Institution & administration
35,09
61,11
42,76
42,45
36,64
22,56


Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro Lien ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro Lien). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (Lien). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.582 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013). 


Pour aller plus loin 

Dandoy Régis, "Ethno-regionalist parties in Europe: a typology", Perspectives on Federalism, vol. 2, n°2, 2010, pp. 194-220. Lien 

Nassaux Jean-Paul, “Les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, janvier 2014. Lien

Piet Grégory, « La politique climatique en Belgique », Carnet de Recherche Socio-informatique et argumentation, avril 2013. Lien