jeudi 19 novembre 2015

Les principaux problèmes à Bruxelles: chômage et enseignement


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à l’UCL. Chargé de cours invité à l’ULB et à la FLACSO

Il y a quelques jours, la Commission Européenne a publié les résultats d’une enquête portant sur l’opinion publique dans les régions en Europe. Dans chaque région d’Europe, un échantillon de 300 personnes a répondu à quelques questions sur la perception qu’elles ont de l’état de leur région ou encore sur leur confiance dans Union Européenne. Cette enquête (Eurobaromètre 427) de la DG Communication de la Commission Européenne a été réalisée par téléphone du 3 au 23 septembre 2015. Pour plus de détails techniques sur ce sondage, voir ici.

Dans ce deuxième billet traitant des résultats de cette enquête, nous analysons l’état de l’opinion publique bruxelloise en ce qui concerne les principaux problèmes auxquels elle est confrontée, et nous comparons les perceptions des Bruxellois avec celles des populations dans les régions flamande et wallonne.

Sans surprise, un top 3 composé du chômage, de l’enseignement et de l’immigration

La question principale de l’enquête porte sur la perception des problèmes au niveau régional. Plus précisément, son intitulé est : « Selon vous, quelles sont les deux principaux problèmes auxquels votre région est confrontée actuellement ? » et une série de réponses était suggérées aux répondants. Les résultats obtenus en région bruxelloise ne sont pas vraiment surprenants.

Le principal problème identifié par les Bruxellois concerne le chômage (28,5%), loin devant les autres thématiques. Ce n’est pas une surprise quand on le compare avec le taux de chômage dans la région (18,5%). Le même processus est à l’œuvre en Wallonie où le chômage constitue le principal problème. Etant donné le faible taux de chômage en Flandre (5,1%), il est naturel que cette thématique n’atteigne pas la première place du podium dans cette région. Au niveau individuel, le chômage bruxellois est un problème particulièrement important parmi les ouvriers et les personnes isolées ou sans enfants. A l’inverse, ce problème est beaucoup moins relevant pour les jeunes (15-24 ans) et pour les étudiants, à l’inverse de leurs aînés.

En termes d’importance, le second problème à Bruxelles concerne l’enseignement (16,5%). Bien que cette thématique puisse en partie être liée à celle du chômage, l’enseignement ne représente qu’un peu plus de la moitié de l’importance que revêt le chômage. Néanmoins, il s’agit cette fois d’une priorité typiquement bruxelloise, puisque la moyenne nationale sur l’enseignement se situe bien plus bas, aux alentours de 7,6%.  Le problème de l’enseignement à Bruxelles semble particulièrement préoccupant pour les femmes, les jeunes, les étudiants, les personnes diplômées de l’enseignement supérieur et les membres de familles nombreuses. A l’inverse, cet enjeu est peu important pour les ouvriers.

Enfin, la thématique de l’immigration n’arrive qu’en troisième position à Bruxelles (15,4%) alors que c’est la région du pays qui – proportionnellement – accueille le plus d’immigrés. Mais il est plausible que les populations moins en contact avec les migrants soient celles qui les voient le plus comme un problème pour leur région. L’immigration est ainsi le principal problème en Flandre, le second en Wallonie et seulement en troisième position à Bruxelles. Au niveau individuel, la question de l’immigration à Bruxelles est particulièrement vue comme un problème pour les répondants plus âgés (plus de 55 ans).

Tableau 1. Principaux problèmes

Bruxelles
Flandre
Wallonie
Royaume
Chômage
28,5 %
20,3 %
28,7 %
23,9 %
Enseignement
16,5 %
5,7 %
7,9 %
7,6 %
Immigration
15,4 %
24,0 %
16,6 %
20,7 %
Economie
11,8 %
13,2 %
16,0 %
14,0 %
Environnement
9,7 %
7,3 %
7,7 %
7,7 %
Personnes et entreprises quittant la région
6,5 %
11,5 %
12,7 %
11,3 %
Criminalité
6,1 %
8,3 %
4,4 %
6,9 %
Santé
3,2 %
8,7 %
3,9 %
6,6 %
Autre
2,3 %
0,9 %
2,0 %
1,4 %
Total
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %

Des miettes pour les autres problèmes à Bruxelles…

Ce podium représente plus de 60% des principaux problèmes à Bruxelles. Loin derrière, nous retrouvons dans l’ordre l’économie (11,8%), l’environnement (9,7%) et la thématique des personnes et entreprises quittant la région (6,5%). Au niveau individuel, l’économie bruxelloise est problématique pour les personnes âgées de plus de 55 ans et pour les ouvriers. A l’inverse, elle n’est clairement pas relevante pour les personnes diplômées de l’enseignement supérieur. En ce qui concerne l’environnement, il est considéré comme un problème particulièrement important chez les jeunes et les étudiants.

L’enjeu des personnes et entreprises quittant la région est, en comparaison, relevant dans les deux autres régions du pays, probablement lié à la thématique des nombreux navetteurs qui vont travailler en région bruxelloise. Enfin, on retrouve dans le bas du tableau bruxellois la criminalité et la santé. Si ils sont également peu significatifs en Wallonie, ces deux problèmes sont relativement plus importants en région flamande et dépassent même celui de l’enseignement en termes relatifs.

Au demeurant, la liste de problèmes répertoriés dans cette enquête n’est pas vraiment exhaustive puisqu’on pourrait sans difficulté y ajouter des thématiques telles que la fiscalité, les politiques sociales, voire les politiques européennes. Dans le cas de la région bruxelloise, il est plus que probable que l’inclusion du logement et de la mobilité dans la liste des problèmes principaux pour la région ne vienne perturber le classement établi par cette enquête.

Conclusion

Les principaux problèmes auxquels la région bruxelloise est confrontée concernent – sans surprise – des enjeux qui ont été identifiés depuis longtemps par les acteurs politiques régionaux : chômage (et économie), enseignement et immigration. En Flandre, l’opinion publique régionale est sensiblement différente et permet de mieux comprendre les résultats de partis politiques comme le Vlaams Belang par exemple. Il serait néanmoins intéressant de comparer ces chiffres dans le temps avant de mieux comprendre leurs évolutions, et de les comparer avec le contenu des programmes électoraux rédigés pour les élections régionales de 2014.

Note méthodologique


Etant donné que la question soumise aux répondants portait sur les deux principaux problèmes auxquels la région est confrontée, les résultats pour chaque catégorie de réponse ont été divisés par deux. La catégorie de réponse « autre » concerne les autres enjeux mentionnés spontanément par le répondant. Malheureusement, la base de données Eurostat ne contient pas d’information sur le contenu de cette catégorie « autre ». Les répondant souhaitant ne pas répondre à la question ou répondant « je ne sais pas » ont été exclus des résultats. Le nombre de ces répondants varie entre 2% et 3%, selon les régions. Les résultats pour le Royaume ont été pondérés par le poids démographique de chaque région (basé sur les chiffres de population par région au 1er janvier 2015 - http://statbel.fgov.be).