dimanche 22 novembre 2015

Un bruxellois méfiant et divisé envers l’Union européenne


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à l’UCL. Chercheur associé à l’ULB et à la FLACSO

Il y a quelques jours, la Commission Européenne a publié les résultats d’une enquête portant sur l’opinion publique dans les régions en Europe. Dans chaque région d’Europe, un échantillon de 300 personnes a répondu à quelques questions sur la perception qu’elles ont de l’état de leur région ou encore sur leur confiance dans Union européenne. Cette enquête (Eurobaromètre 427) de la DG Communication de la Commission Européenne a été réalisée par téléphone du 3 au 23 septembre 2015. Pour plus de détails techniques sur ce sondage, voir ici.

Dans ce troisième et dernier billet traitant des résultats de cette enquête (voir les précédents ici et ici), nous analysons l’état de l’opinion publique bruxelloise en ce qui concerne la confiance en l’Union européenne et sur les explications données par les hommes et les femmes politiques sur les politiques européennes et leur impact sur la vie quotidienne, et nous comparons leurs perceptions avec celles des populations dans les régions flamande et wallonne.

Une opinion publique bruxelloise partagée

La Belgique n’est pas connue pour l’opposition de ses principaux leaders politiques au projet de l’Union européenne. Néanmoins, le niveau général de confiance dans cette organisation internationale est relativement faible puisque plus de la moitié des Belges exprime avoir plutôt pas confiance dans l’Union européenne. En Wallonie, la méfiance envers l’UE flirte même avec les deux tiers. A Bruxelles, les proportions sont presque égales : la moitié des Bruxellois ont plutôt confiance tandis que l’autre moitié n’a plutôt pas confiance. Au niveau individuel, ceux qui ont le plus confiance dans l’UE sont les femmes, les personnes plus âgées, les personnes moins éduquées et les indépendants.

Tableau 1. Confiance dans l’Union Européenne

Bruxelles
Flandre
Wallonie
Royaume
Plutôt confiance
50,7 %
52,4 %
38,3 %
47,7 %
Plutôt pas confiance
49,3 %
47,6 %
61,7 %
52,3 %
Total
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %

Qui mieux pour expliquer les politiques européennes ?

Dans l’enquête Eurobaromètre, la question suivante a été soumise aux répondants : « Parmi les représentants politiques suivants, lesquels sont, selon vous, les mieux placés pour vous expliquer comment les politiques européennes impactent votre vie quotidienne ? ». La question est assez complexe (on parle par exemple du fait que les représentants politiques soient les mieux placés et non pas les mieux informés ou les plus compétents) et n’est en aucun cas une liste exhaustive d’acteurs qui informent potentiellement les citoyens sur les politiques de l’UE, comme par exemple les médias, les ONGs, etc. Ces deux éléments expliquent sans nul doute le nombre élevé de Bruxellois qui ont répondu « aucun » à cette question. Cette catégorie de réponse est peut-être également mobilisée lorsque le répondant estiment être peu informé sur les politiques européennes qui impactent sa vie quotidienne.

L’opinion publique bruxelloise est divisée sur l’identité des responsables politiques qui seraient à même de mieux l’informer sur les politiques européennes. Environ 40% des Bruxellois citent les mandataires européens (députés et commissaires européens) tandis que plus de 45% citent les mandataires nationaux, régionaux et locaux. Comparé aux populations des régions wallonne et flamande, il n’y a que peu de différences, si ce n’est le taux de répondants pour la catégorie « aucun » (plus élevé en Wallonie et plus faible en Flandre). Au niveau individuel, il y a également peu de différences parmi les Bruxellois, à part une mention plus fréquente des mandataires européens dans le chef des jeunes et des étudiants.

Tableau 2. Représentants politiques les mieux placés pour expliquer les politiques européennes

Bruxelles
Flandre
Wallonie
Royaume
Députés européens
19,9 %
27,1 %
16,0 %
22,8 %
Commissaires européens
20,7 %
13,8 %
12,5 %
14,1 %
Représentants politiques nationaux
23,0 %
28,6 %
19,8 %
25,2 %
Représentants politiques régionaux ou locaux
23,0 %
22,7 %
32,3 %
25,8 %
Aucun
13,3 %
7,8 %
19,5 %
12,1 %
Total
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %

Conclusion

La place de l’Union européenne dans l’opinion publique bruxelloise n’est pas toujours celle que l’on croit, même si la proximité géographique avec ces institutions peut potentiellement générer un sentiment de confiance et de connaissance de ses politiques publiques. Contrairement aux idées parfois reçues, la population bruxelloise affiche une confiance moins grande en l’Union européenne qu’une partie de la classe politique bruxelloise. Seule une moitié des Bruxellois a confiance en l’UE. De même, ses sources d’information ne reposent qu’aux deux cinquième dans les mains des mandataires européens. Il y a encore du chemin pour que l’Union Européenne parvienne à avoir une image forte et positive en région bruxelloise…


Note méthodologique

Pour chacun des tableaux ci-dessus, les répondant souhaitant ne pas répondre à la question ou répondant « je ne sais pas » ont été exclus des résultats. Le nombre de ces répondants varie entre 3% et 6%, selon les régions pour la question sur la confiance en l’Union européenne, tandis qu’ils varient entre 7,8% et 19,5% pour la question sur les explications données par le personnel politique. Pour cette dernière question, la catégorie de réponse « aucun » se base sur une réponse spontanée donnée par les personnes interrogées. Puisque cette catégorie de réponse n’a été proposée au répondant, les résultats pour cette catégorie sont en réalité potentiellement plus élevés. Les résultats pour le Royaume ont été pondérés par le poids démographique de chaque région (basé sur les chiffres de population par région au 1er janvier 2015 - http://statbel.fgov.be).

jeudi 19 novembre 2015

Les principaux problèmes à Bruxelles: chômage et enseignement


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à l’UCL. Chargé de cours invité à l’ULB et à la FLACSO

Il y a quelques jours, la Commission Européenne a publié les résultats d’une enquête portant sur l’opinion publique dans les régions en Europe. Dans chaque région d’Europe, un échantillon de 300 personnes a répondu à quelques questions sur la perception qu’elles ont de l’état de leur région ou encore sur leur confiance dans Union Européenne. Cette enquête (Eurobaromètre 427) de la DG Communication de la Commission Européenne a été réalisée par téléphone du 3 au 23 septembre 2015. Pour plus de détails techniques sur ce sondage, voir ici.

Dans ce deuxième billet traitant des résultats de cette enquête, nous analysons l’état de l’opinion publique bruxelloise en ce qui concerne les principaux problèmes auxquels elle est confrontée, et nous comparons les perceptions des Bruxellois avec celles des populations dans les régions flamande et wallonne.

Sans surprise, un top 3 composé du chômage, de l’enseignement et de l’immigration

La question principale de l’enquête porte sur la perception des problèmes au niveau régional. Plus précisément, son intitulé est : « Selon vous, quelles sont les deux principaux problèmes auxquels votre région est confrontée actuellement ? » et une série de réponses était suggérées aux répondants. Les résultats obtenus en région bruxelloise ne sont pas vraiment surprenants.

Le principal problème identifié par les Bruxellois concerne le chômage (28,5%), loin devant les autres thématiques. Ce n’est pas une surprise quand on le compare avec le taux de chômage dans la région (18,5%). Le même processus est à l’œuvre en Wallonie où le chômage constitue le principal problème. Etant donné le faible taux de chômage en Flandre (5,1%), il est naturel que cette thématique n’atteigne pas la première place du podium dans cette région. Au niveau individuel, le chômage bruxellois est un problème particulièrement important parmi les ouvriers et les personnes isolées ou sans enfants. A l’inverse, ce problème est beaucoup moins relevant pour les jeunes (15-24 ans) et pour les étudiants, à l’inverse de leurs aînés.

En termes d’importance, le second problème à Bruxelles concerne l’enseignement (16,5%). Bien que cette thématique puisse en partie être liée à celle du chômage, l’enseignement ne représente qu’un peu plus de la moitié de l’importance que revêt le chômage. Néanmoins, il s’agit cette fois d’une priorité typiquement bruxelloise, puisque la moyenne nationale sur l’enseignement se situe bien plus bas, aux alentours de 7,6%.  Le problème de l’enseignement à Bruxelles semble particulièrement préoccupant pour les femmes, les jeunes, les étudiants, les personnes diplômées de l’enseignement supérieur et les membres de familles nombreuses. A l’inverse, cet enjeu est peu important pour les ouvriers.

Enfin, la thématique de l’immigration n’arrive qu’en troisième position à Bruxelles (15,4%) alors que c’est la région du pays qui – proportionnellement – accueille le plus d’immigrés. Mais il est plausible que les populations moins en contact avec les migrants soient celles qui les voient le plus comme un problème pour leur région. L’immigration est ainsi le principal problème en Flandre, le second en Wallonie et seulement en troisième position à Bruxelles. Au niveau individuel, la question de l’immigration à Bruxelles est particulièrement vue comme un problème pour les répondants plus âgés (plus de 55 ans).

Tableau 1. Principaux problèmes

Bruxelles
Flandre
Wallonie
Royaume
Chômage
28,5 %
20,3 %
28,7 %
23,9 %
Enseignement
16,5 %
5,7 %
7,9 %
7,6 %
Immigration
15,4 %
24,0 %
16,6 %
20,7 %
Economie
11,8 %
13,2 %
16,0 %
14,0 %
Environnement
9,7 %
7,3 %
7,7 %
7,7 %
Personnes et entreprises quittant la région
6,5 %
11,5 %
12,7 %
11,3 %
Criminalité
6,1 %
8,3 %
4,4 %
6,9 %
Santé
3,2 %
8,7 %
3,9 %
6,6 %
Autre
2,3 %
0,9 %
2,0 %
1,4 %
Total
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %

Des miettes pour les autres problèmes à Bruxelles…

Ce podium représente plus de 60% des principaux problèmes à Bruxelles. Loin derrière, nous retrouvons dans l’ordre l’économie (11,8%), l’environnement (9,7%) et la thématique des personnes et entreprises quittant la région (6,5%). Au niveau individuel, l’économie bruxelloise est problématique pour les personnes âgées de plus de 55 ans et pour les ouvriers. A l’inverse, elle n’est clairement pas relevante pour les personnes diplômées de l’enseignement supérieur. En ce qui concerne l’environnement, il est considéré comme un problème particulièrement important chez les jeunes et les étudiants.

L’enjeu des personnes et entreprises quittant la région est, en comparaison, relevant dans les deux autres régions du pays, probablement lié à la thématique des nombreux navetteurs qui vont travailler en région bruxelloise. Enfin, on retrouve dans le bas du tableau bruxellois la criminalité et la santé. Si ils sont également peu significatifs en Wallonie, ces deux problèmes sont relativement plus importants en région flamande et dépassent même celui de l’enseignement en termes relatifs.

Au demeurant, la liste de problèmes répertoriés dans cette enquête n’est pas vraiment exhaustive puisqu’on pourrait sans difficulté y ajouter des thématiques telles que la fiscalité, les politiques sociales, voire les politiques européennes. Dans le cas de la région bruxelloise, il est plus que probable que l’inclusion du logement et de la mobilité dans la liste des problèmes principaux pour la région ne vienne perturber le classement établi par cette enquête.

Conclusion

Les principaux problèmes auxquels la région bruxelloise est confrontée concernent – sans surprise – des enjeux qui ont été identifiés depuis longtemps par les acteurs politiques régionaux : chômage (et économie), enseignement et immigration. En Flandre, l’opinion publique régionale est sensiblement différente et permet de mieux comprendre les résultats de partis politiques comme le Vlaams Belang par exemple. Il serait néanmoins intéressant de comparer ces chiffres dans le temps avant de mieux comprendre leurs évolutions, et de les comparer avec le contenu des programmes électoraux rédigés pour les élections régionales de 2014.

Note méthodologique


Etant donné que la question soumise aux répondants portait sur les deux principaux problèmes auxquels la région est confrontée, les résultats pour chaque catégorie de réponse ont été divisés par deux. La catégorie de réponse « autre » concerne les autres enjeux mentionnés spontanément par le répondant. Malheureusement, la base de données Eurostat ne contient pas d’information sur le contenu de cette catégorie « autre ». Les répondant souhaitant ne pas répondre à la question ou répondant « je ne sais pas » ont été exclus des résultats. Le nombre de ces répondants varie entre 2% et 3%, selon les régions. Les résultats pour le Royaume ont été pondérés par le poids démographique de chaque région (basé sur les chiffres de population par région au 1er janvier 2015 - http://statbel.fgov.be).