samedi 3 décembre 2016

Vote différencié dans les sondages : peu de différences à Bruxelles (sauf pour DéFI)

Dr. Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à l’UCL

Les résultats du sondage RTBF / La Libre de décembre 2016 sur les intentions de vote dans la population belge ont fait couler beaucoup d’encre (médiatique), principalement en ce qui concerne l’ascension du PTB en Wallonie, l’érosion du cdH en Wallonie et à Bruxelles et la stabilisation du système de partis en Flandre (voir les résultats ici). Mais ces éléments occultent une des spécificités de ce baromètre politique trimestriel.

En effet, depuis avril 2016, le sondage RTBF / La Libre porte à la fois sur les intentions de vote pour les élections fédérales et sur celles pour les élections régionales. La question posée aux répondants est la suivante: « Si dans le mois qui vient, de nouvelles élections fédérales étaient organisées, pour quel parti parmi la liste suivante voteriez-vous ? ». La même question est ensuite posée aux répondants, en remplaçant le mot « fédérales » par « régionales ». Ces deux questions permettent de comparer les intentions de vote aux deux niveaux de pouvoir et d’identifier si un parti est plus populaire au régional plutôt qu’au fédéral et vice-versa.

L’intérêt de poser ces questions est assez évident. Dans une Belgique fédérale, les élections régionales prennent de plus en plus d’importance – d’aucuns n’hésitent pas à affirmer que les élections régionales sont plus importantes que les élections fédérales – et ont une influence directe sur les décisions et la politique menée au niveau national. Le nouveau mode de désignation des sénateurs est un exemple de l’impact des élections régionales sur le fonctionnement des institutions fédérales. Même si les élections régionales et fédérales de 2014 ont été organisées de manière simultanée, elles ont mené à la constitution de majorités asymétriques. Dissocier les questions sur les intentions de vote permet ainsi de mesurer directement l’impact de la participation au gouvernement régional et/ou fédéral pour les différents partis politiques belges.

Ce billet se penche sur les intentions de vote différentiées à Bruxelles, c’est-à-dire sur le différentiel de popularité qui peut être observé entre le vote pour les élections régionales et le vote pour les élections fédérales. Trois indicateurs seront successivement explorés : le taux de réponse, l’indice de dissimilarité et les intentions de votes au niveau partisan.

Un taux de réponse plus élevé pour les élections régionales

Le taux de réponse à une enquête ou un sondage varie fortement en fonction des thématiques abordées ou de la complexité des questions mais également selon les individus. Les sondages portant sur la politique sont traditionnellement marqués par un taux de réponse assez faible et le baromètre politique trimestriel RTBF / La Libre ne fait pas exception.

A Bruxelles, un peu plus de 900 répondants sont interrogés dans ces sondages (918 en avril 2016, 917 en septembre 2016 et 914 en décembre 2016) mais le taux de réponse varie au cours du temps et selon les niveaux de pouvoir. Les répondants sont ainsi plus nombreux à exprimer une intention de vote pour les élections régionales : 74,9% de réponse en septembre 2016 et 74,4% en décembre 2016. A l’inverse, les élections fédérales inspirent relativement moins de répondants : 71,8% de réponses en septembre 2016 et 72,4% en décembre 2016.

Des sondages fortement similaires selon le niveau de pouvoir

Un deuxième indicateur entend mesurer directement si les répondants déclarent avoir l’intention d’exprimer le même vote aux élections fédérales qu’aux élections régionales. Cette mesure s’effectue traditionnellement à l’aide de l’indice de dissimilarité de Lee. Cet indice permet d’observer directement si – à l’échelle d’une région ou d’un système de partis – les électeurs émettent globalement le même vote lors de deux élections. Même si cet indice tend à minimiser les différences réelles observées, il constitue néanmoins une indication de l’importance du vote différencié. 

A Bruxelles, l’indice de dissimilarité est relativement faible : il s’élève à 3,75 pour le sondage d’avril 2016, à 2,4 pour celui de septembre 2016 et à 5,5 en décembre 2016. En d’autres mots, cela signifie que les répondants voteraient globalement pour les mêmes partis aux élections régionales et aux élections fédérales à Bruxelles. 

DéFI gagnerait plus de voix lors des élections régionales

L’analyse des résultats au niveau des partis révèle d’intéressantes différences. Le Graphe 1 indique le différentiel de popularité selon le niveau de pouvoir pour les sondages RTBF / La Libre en avril, septembre et décembre 2016. Les partis qui obtiendraient de meilleurs résultats aux élections fédérales sont indiqués sur la gauche du graphe, ceux qui obtiendraient plus de voix aux élections régionales sont situés à droite. 

Graphe 1. Vote différencié à Bruxelles (sondages RTBF / La Libre en 2016)


Le parti régionaliste bruxellois DéFI obtiendrait ainsi plus de votes lors des élections régionales que lors des élections fédérales. Pour ce parti, le différentiel serait de +0,6% en avril, de +0,3% en septembre et surtout de +3,7% en décembre 2016. Ce dernier chiffre est particulièrement relevant étant donné la marge d’erreur de 3,2%. Ce vote différencié en faveur des élections régionales n’est pas surprenant puisque la région bruxelloise constitue une priorité idéologique pour DéFI.

A l'inverse, le PS et le PTB semblent obtenir plus de votes lors des élections fédérales en comparaison des élections régionales bruxelloises. En moyenne, le différentiel serait de +1,1% en faveur des élections fédérales pour le PS et de +1% pour le PTB. Ces chiffres s’expliquent probablement par le fait que ces deux partis sont actuellement dans l’opposition au niveau fédéral et que le gouvernement à ce niveau de pouvoir a fait des thématiques socio-économique une de ses priorités. 

Enfin, il est difficile d’identifier une tendance pour les six autres partis politiques francophones bruxellois, d’autant plus que toutes les différences observées se situent sous la marge d’erreur. Pour ces partis, les différents sondages RTBF / La Libre indiquent soit peu de différences entre les élections régionales et les élections fédérales (à l’instar du parti Islam) ou indiquent des résultats opposés selon les sondages.  Néanmoins, il est intéressant d’observer que un certain mouvement de vases communicants entre le MR et le cdH puisque lorsque l’un obtiendrait plus de votes lors des élections régionales, l’autre obtiendrait plus de votes lors des élections fédérales, et vice-versa.

Note méthodologique 
L’indice de dissimilarité de Lee a été calculé sur base des intentions de vote pour les 9 principaux partis francophones à Bruxelles (PS, MR, cdH, Ecolo, DéFI, PP, PTB, La Droite et Islam). Les partis flamands n’ont pas été intégrés à l’analyse vu la volatilité importante observée, principalement dû au faible taux de réponse pour ces partis. 
Cet indice varie entre zéro (les intentions de vote sont parfaitement identiques selon les niveaux de pouvoir) et 100 (les répondants indiquent vouloir voter pour des partis totalement différents).